CUT | Le magazine du court métrage
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Les courts métrages en disent long

Les courts métrages en disent long

Les courts métrages en disent long

Les courts métrages en disent long

Moins cher et moins formaté, le court métrage permet de créer avec davantage de liberté. Et peut lancer une carrière. A chaque histoire sa durée.

Un des meilleurs sésames, ces dernières années, pour devenir réalisateur ? Faire court. Thomas Cailley(Les Combattants), Virgil Vernier (Mercuriales),Jean-Charles Hue (Mange tes morts), sans parler des « anciens » François Ozon ou Bertrand Bonello : tous ont commencé par le court métrage. S'il peut (et doit) être une belle carte de visite pour passer au long métrage, le court est un format à part entière, clament les réalisateurs, qui y voient un merveilleux terrain d'expérimentation et de création.

L'acteur Guillaume Gouix confirme, qui écrit actuellement son premier long métrage et a déjà réalisé deux courts, l'un sélectionné à la Semaine de la critique, en 2011, et l'autre à laMostra de Venise, cette année : « Je ne les ai jamais envisagés comme une sorte de maquette ou de "brouillon" d'un futur long. » Claire Burger, coréalisatrice de Party Girl (Caméra d'or à Cannes), renchérit : « Le court est une période d'apprentissage, bien sûr, mais il est aussi une forme en soi, où l'on peut envisager la narration différemment. » A chaque histoire, donc, sa durée, comme en littérature, où un auteur peut préférer la nouvelle ou le roman.

Filmer des Playmobil avec son téléphone

Comment faire son premier court ? Aujourd'hui, avec la démocratisation de la technique, on peut juste filmer des Playmobil dans sa cuisine avec son téléphone portable et le diffuser sur YouTube en espérant un maximum de vues… mais pas forcément une grande carrière de cinéaste.

On peut, aussi, à la manière de Christophe Charrier, réalisateur du très prometteurBoys Band Theorie, avoir recours à Ulule, le site de financement participatif, pour rassembler les 5 000 euros nécessaires pour boucler le budget de son film. Ou s'adresser au Grec, le Groupe de recherches et d'essais cinématographiques, comme le fit Katell Quillévéré (Un poison violent, Suzanne) alors qu'elle était à la fac à Saint-Denis et ne connaissait personne dans le milieu du cinéma. « J'ai envoyé le scénario de mon premier court, A bras-le-corps. Il a été retenu, et mon film entièrement financé par cette association soutenue par le CNC. » Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2005, A bras-le-corps tape dans l'œil du producteur Bruno Lévy… qui produira Suzanne, quelques années plus tard.

Emprunter la voie royale

Et puis il y a le chemin le plus sûr, le plus académique : l'école de cinéma. La voie express et royale restant la Femis, où tous les élèves achèvent leur scolarité par le tournage d'un court (budget, matériel et techniciens – les camarades de promo ! – financés par l'école). « Dans mon cas, raconte Claire Burger, c'est Forbach, mon film de fin d'études, qui m'a permis d'être repérée. Ensuite, C'est gratuit pour les filles, coréalisé avec Marie Amachoukeli, a remporté le césar. Des producteurs de longs métrages sont alors venus à nous. »

Au sortir de la Femis, certains élèves producteurs montent aussi leurs sociétés pour produire leurs camarades de promotion des sections réalisation et scénario. Jean-Christophe Reymond a ainsi créé Kazak Productions : « Depuis 2007, on a produit vingt courts et un long, celui de Teddy Lussi-Modeste (Jimmy Rivière), après avoir financé ses trois courts. Nous trouvons important d'évoluer avec des auteurs de notre génération. »

Les « petits » producteurs, voilà le nerf de la guerre : des aventuriers, des bricoleurs capables, parce qu'ils croient dur comme fer au talent d'un inconnu, de se débrouiller avec 10 000 euros (budget « tout le monde bosse gratuitement par amitié ») ou avec 80 000 (tout le monde est payé, du premier acteur au dernier technicien), quand le budget moyen d'un long métrage est de 4 millions.

Parmi eux, Frédéric Dubreuil, sacré meilleur producteur 2014 à Clermont, avec sa société Envie de tempête. Et justement, ça tangue : « Nous sommes dans une économie de survie. Le système D permanent. Ma boîte existe depuis quinze ans, mais cela ne fait que deux ans que Canal+ me répond au téléphone ! Heureusement pourtant qu'elles existent, ces télés, pour acheter nos films ! » Quand vous obtenez 15 000 euros d'une chaîne, c'est gagné.

Invoquer la bonne fée télé

Les plus grandes diffusent des courts (1), même si c'est à point d'heure, dans des cases avec jeu de mots obligatoire : Court-circuit (Arte), Libre court (France 3),Histoires courtes (France 2)… Et à chaque chaîne sa bonne fée acheteuse : Hélène Vayssières sur Arte, Christophe Taudière pour France Télévisions, et l'incontournable Pascale Faure de Canal+, qui reste le plus gros investisseur dans le domaine – trente courts métrages préachetés par an sur scénario.

La télé c'est bien ; un festival, c'est encore mieux pour qu'un court cartonne. Du Nikon Film Festival (Michel Hazanavicius préside, en ce moment même, le jury) à Court devant Paris-Ile-de-France (le festival de Julie Gayet vient de fêter ses 10 ans), en passant par Poitiers, Brest ou Angers, il y a le choix, puisque l'Hexagone compte environ cent cinquante festivals spécialisés !

Accéder au Cannes du court

Comme les salles de cinéma ne diffusent plus les courts, ces rendez-vous restent le seul moyen pour un jeune auteur de trouver un public et d'attirer l'attention de la profession. Si son film est refusé dans les gros festivals, il est mort. En revanche, s'il est pris en compétition au festival de Clermont-Ferrand, qui est au court métrage ce que le festival de Cannes est au long, alors, là, c'est le (tout) début de la gloire.

Pour son édition 2015, les sélectionneurs de Clermont ont reçu… 1 806 films français ! Un chiffre fou, 200 de plus encore qu'en 2014. En comparaison, ils n'en ont reçu « que » 6 000 du monde entier. Cela bouge donc comme jamais dans ce cinéma de promesses et d'huile de coude. Idéal pour révéler les talents, ce format sans formatage l'est aussi pour respirer entre deux longs métrages.

Ainsi, après 2 Automnes 3 hivers, Sébastien Betbeder a réalisé Inupiluk (trente-quatre minutes), nommé aux prochains César. Et certains aînés, comme Alain Cavalier, aiment y revenir régulièrement comme une parenthèse de liberté. Georges Brassens avait raison : le temps ne fait rien à l'affaire. Quand on est bon, on est bon. Et tant que ses courts courront devant, le cinéma français aura toutes les chances de durer…

(1) Programmations spéciales à l'occasion du festival Le Jour le plus court-Fête du court métrage.

A voir

Le Jour le plus court - Fête du court métrage, les 19, 20 et 21 décembre 2014 dans plusieurs villes de France et d'ailleurs.

Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, du 30 janvier au 7 février 2015, à Clermont-Ferrand (63).